BIG BAND Arnaud Fradin, à gauche, et son gang composé de Damien Cornelis (claviers), Igor Pichon (basse), Éric Chambouleyron (guitare), Pierre-Marie Humeau (trompette), Richard Housset (batterie) et Vincent Aubert (trombone).
Le Mix
Profil Malted Milk
More Milk Today!
Par BELKACEM BAHLOULI – Photo de MARGOT MARTIN
Après vingt-cinq ans de scène et des centaines de concerts, le groupe nantais mené par Arnaud Fradin sort un huitième album, toujours gorgé de sonorités blues-soul.
PAS BESOIN de traverser l’Atlantique pour sonner comme aux grandes heures du blues-soul-R’n’B made in Tennessee ou orienté Northern Sound. Depuis un quart de siècle, Arnaud Fradin aime à visiter et revisiter la musique noire américaine. Avec ses six compagnons, le guitariste chanteur et meneur continue de creuser le sillon de ce son si caractéristique, cuivres à l’appui : preuve en est avec leur nouvel opus, 1975, fait maison ou presque : “Après les EP sortis pendant la période du confinement, on a construit cet album en résidence à Nantes, où la majorité du groupe est basée à l’année.” Le disque en question est arrivé après quelques singles, dont le dernier sorti à l’automne 2023, “Better Now”, une chanson à l’ambiance groovy en diable mais traitant de rupture amoureuse : “On voulait jouer sur le contraste entre une musique qui te donne envie de bouger et un sujet plutôt grave et triste, explique Arnaud Fradin. On a surtout joué sur les effets sonores, mais qui s’adaptent plutôt de façon cohérente au texte.”
La production est une passion de plus en plus grandissante chez Arnaud, au point de pousser encore plus loin en créant son propre label pour éditer ses disques. Mieux encore, il reconnaît adorer la réalisation en studio, attaché à sa console, à affiner les prises de son et les premiers mix. Production maison, comme on dit ? “Presque, s’amuse le musicien. Les captations me passionnent autant que la composition. L’arrangement, c’est vraiment devenu mon truc, j’ai passé beaucoup de temps à apprendre comment travailler avec tout cela, et je dois dire que c’est vraiment gratifiant de voir le morceau se réaliser sous ses yeux, et prendre sa forme définitive. C’est fascinant.” Et surtout, pour ne pas sombrer dans l’autarcie et rester à l’écoute du monde, Arnaud a fait appel au musicien italien Marco Cinelli, lequel garde toujours une oreille ouverte. “Ce disque a été réalisé en collaboration avec Marco, guitariste et chanteur membre du groupe The Cinelli Brothers. Il est super leur nouvel album, vous l’avez écouté ? C’est un musicien génial, un multi-instrumentiste impressionnant et avec une culture blues et R’n’B incroyable, s’enthousiasme Arnaud Fradin. Je lui ai envoyé du son et il s’est mis au boulot directement. Il vit à Londres depuis pas mal d’années maintenant. Nous avons bien travaillé ensemble et, du coup, il a participé aux arrangements et m’a beaucoup aidé, notamment pour l’écriture des textes.”
Dans cet album, on joue sur le contraste. »
Pour ce déjà huitième album, Arnaud Fradin s’est donc plongé dans sa propre histoire : “Intituler ce nouveau disque 1975 était volontaire, non pas pour faire un repli sur moi, mais je pense qu’à presque cinquante ans, on peut dresser un premier bilan. C’est pour cela que j’ai choisi ce titre qui n’est autre que mon année de naissance. J’ai des images d’enfance qui sont remontées, au propre avec des films Super 8, et au figuré avec de vrais souvenirs en les revoyant. Je ne dis pas que j’ai été submergé par une vague de nostalgie, mais ces images ont un peu conditionné ce qu’allait être cet album.”
Bien que coécrits avec Marco Cinelli, les textes racontent mieux que n’importe quelle biographie détaillée les passions et les passages à vide, les humeurs et les retours de bâton, le tout posé sur une section rythmique imparable, des claviers à profusion, des guitares étincelantes mais mordantes et des cuivres au son puissant, qui balaient tout sur leur passage.
Arnaud s’interroge beaucoup sur son parcours, les méandres de la vie, mais réfléchit aussi au sort de ses contemporains : “On n’est pas non plus des artistes super-engagés, martèle-t-il, mais il y a des choses qui doivent être rappelées, c’est simple.” Car en tant qu’artiste, on ne peut pas vivre dans sa bulle. “On a un réel besoin d’humanité dans ces temps troublés”, rappelle-t-il. On n’ira pas jusqu’à la colère des protest songs dans ce 1975 original à plus d’un titre, mais Arnaud Fradin montre surtout un optimisme sans faille, et porte un message de fraternité et d’espoir. Et le tout tenu par de gros riffs féroces, contrebalancés par des arrangements originaux, sorte de kaléidoscope sonore si l’on veut, à l’image de ce groupe atypique au parcours exceptionnel : car vingt-cinq ans de carrière, en France, ce n’est pas très courant, malgré des changements de line up à leurs débuts : “Depuis plus d’une demi-douzaine d’années, le groupe est fixé. On adore jouer ensemble, bien que chaque membre poursuive en parallèle des projets personnels, mais on est toujours heureux de tous partager des moments sur scène ou en studio.”